[CEL] Séminaire | Vingt-septième séminaire-apéro du CEL

Le Centre d’Études Linguistiques - Corpus, Discours et Sociétés (CEL) organise son vingt-septième séminaire-apéro à l’Université Jean Moulin Lyon 3 le jeudi 28 octobre 2021. À cette occasion, nous écouterons deux membres du CEL.

16h30 : Denis Jamet, Professeur à l'Université Jean Moulin Lyon - CEL, et Bérengère Lafiandra, PrAg à l'Université Jean Moulin Lyon 3 - CEL : « Représentations de l’immigration dans le discours politique français. Étude comparative des discours de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron (2015-2019, France) ».

Depuis 2015, l’Europe est devenue « le théâtre principal de l’arrivée des migrants » et semble être démunie face à cette question provoquée par l’amplification du conflit en Syrie. Les naufrages de réfugiés se sont accrus en avril et c’est en août 2015, alors que la Grèce ne put plus gérer les nombreuses arrivées à elle seule, que l’Allemagne décida d’accueillir les migrants. Un projet commun, ayant pour but de « répartir » de manière équitable les réfugiés entre les différents pays de l’Union Européenne, est ainsi voté par la Commission européenne en septembre mais abandonné un an plus tard, montrant une fois de plus « l’incapacité de l’UE à répondre de manière coordonnée » (Gaillard [2018]). Ce manque de coordination n’est pas sans conséquence et c’est toute l’Europe qui est devenue témoin de la montée de l’extrême droite. En France, Marine Le Pen, figure du Rassemblement National, gagne en popularité et se hisse au second tour des élections présidentielles de 2017. Dans le cadre de la linguistique cognitive, Lakoff [2008 : 110] estime que le discours public peut avoir un impact significatif sur le résultat d’élections, et c’est la raison pour laquelle la popularité de Marine Le Pen en politique peut en partie s’expliquer par son discours anti-immigration et sa rhétorique qui séduisent de nombreux électeurs français. Nous présenterons deux études menées en 2020 et 2021 et qui analysent comment l’immigration, perçue comme une « crise » par Marine Le Pen, est traitée sur le plan linguistique. Pour ce faire un corpus pilote constitué de 41 discours prononcés par Marine Le Pen entre 2015 et 2019 sera analysé et comparé à un corpus contrôle, composé de discours prononcés par l’actuel président français Emmanuel Macron, via des outils de linguistique outillée tels que #LancsBox®, AntConc® et SketchEngine®. Il s’agira, d’une part, de mener une étude textométrique et de s’intéresser notamment au rôle que peut avoir la prosodie sémantique sur des notions clés, telles « immigration », « flux migratoire », etc. En effet, selon Firth [1957 : 179] l’on ne peut connaitre le sens réel d’un terme qu’en s’intéressant à son environnement textuel (« You shall know a word by the company it keeps »). Ainsi, il conviendra, entre autres, de dégager les lexèmes fréquemment associés à celui de l’immigration dans les discours de Marine Le Pen afin de déterminer en quoi ils manipulent les électeurs. D’autre part, une analyse sémantique sera réalisée via le logiciel Tropes® afin de dégager les différents domaines sémantiques utilisés par Marine Le Pen pour conceptualiser l’immigration. Une attention toute particulière sera portée à l’utilisation des métaphores et aux domaines sources convoqués par la candidate d’extrême droite. Cette analyse sera également l’occasion de montrer en quoi la crise migratoire semble très souvent emprunter l’isotopie sémantique d’une crise écologique, avec notamment les métaphores de l’eau (Cunningham-Parmeter [2011 : 1580], Charteris-Black [2006 : 569]), elles-mêmes reprises pour décrire la crise du Covid-19 et les différentes « vagues » de l’épidémie.